GAEC Fruits des Bois: passage de relais

GAEC fruits des Bois équipe

Loïc et Martial Hazard, fournisseurs de pommes et poires à Scarabée, ont créé en 2000 le GAEC des Fruits des Bois, au Quiou. Loïc, à la retraite, a récemment passé le relais à Amélie et Clément, qui seront pour quelque temps encore accompagnés de Martial. L’occasion d’une rencontre pour évoquer avec eux l’accès au foncier, la manière dont se passe une transmission, et l’évolution de la bio.

Quand a commencé le passage de relais entre vous ?

Clément : En janvier. On a vu l’annonce sur le répertoire départs-installations du site de la chambre d’agriculture, ainsi que via Terre de Liens.

Amélie, Clément, vous avez quel parcours ?

Clément : J’ai un BTSA Gestion et protection de la nature, qui amène pas mal de jeunes à s’installer en agriculture, du fait d’une filière professionnelle plutôt bouchée. Amélie aussi. On a tous les deux travaillé à la LPO (Ligue pour la protection des oiseaux). Moi jusqu’en décembre dernier, principalement en Auvergne.
Amélie : De mon côté, cela faisait quatre ans que je travaillais déjà en arboriculture, dont deux avec un associé, dans le Puy de Dôme, en pommes, pêches, cerises en AB. J’ai fait une formation pour adultes de 6 mois en arboriculture à Moissac, dans le Tarn-et-Garonne. C’était super, que de la pratique et de la technique, contrairement au BPREA (Brevet Professionnel Responsable d’Entreprise Agricole), ça m’allait bien. Auparavant, j’ai grandi dans une ferme d’élevage ; je n’avais pas envie de faire de l’élevage pour en vivre. J’aime bien les cycles longs de l’arboriculture, et j’aime les fruits d’automne.
Clément : Cela faisait longtemps que je participais sur la ferme, avec Amélie, et que l’aspect agricole me trottait ; ça m’a vachement plu. Je dis souvent que j’en avais marre de compter les alouettes qui disparaissaient sans pouvoir faire grand-chose… Dans une ferme, on fait ce qu’on veut, nous sommes responsables de nos choix, même s’il y a bien sûr un cadre légal, je me sens plus utile comme ça.

Comment s’est passée la transition entre vous ?

Loïc : Nos premiers contacts se sont bien passés, Amélie et Clément ont une philosophie qui se rapproche de la nôtre Maintenant c’est leur lieu. Ils vont faire comme ils le sentent.
Martial : Ça va évoluer.
Loïc : Nous, on ne se posait plus trop de questions.
Amélie : Oui, mais c’est super chouette ce que vous avez fait, c’est pour ça qu’on a eu envie de prendre la suite.
Clément : Avant la visite, cela correspondait déjà à ce qu’on recherchait, en termes de dimension, de taille économique et humaine, et en bio, évidemment. On s’est déplacé, et quand on a vu…
Amélie : Le courant est bien passé !
Loïc : On n’est jamais tout à fait prêt à lâcher. Le choix s’est fait philosophiquement, et économiquement ; on voulait aussi que ça tienne, financièrement, pour eux.
Amélie : Loïc prend sa retraite mais Martial reste encore salarié, ça permet le passage de relais.

Amélie et Clément, vous avez cherché longtemps ?

Amélie : Cela faisait deux ans que je cherchais sur Clermont. On était prêts à s’installer en Auvergne, mais il manquait toujours quelque chose, que ce soit au niveau du foncier, de la possibilité de construire un bâtiment, ou de l’accès à l’eau.
Clément : Et puis il fait trop chaud…On est aussi venu chercher la douceur du climat en Bretagne.
Amélie : On devait faire face aux épisodes de grêle, de gel. Sur 5 ans de production, on a pu produire vraiment que sur deux ans. Les autres années, on a eu du gel ou de la grêle. Or quand il gèle, sur les pommiers… Il ne reste rien, plus de pêches, de prunes, de cerises…
Martial et Loïc : Sur 20-21 ans d’activité : ça n’a été galère que deux ans. Un épisode de gel, et une mauvaise pollinisation sur un printemps.

Martial, Loïc, depuis quand étiez-vous installés ?

Loïc : En octobre 2000 ; on a fait du maraîchage pendant 10 ans. Le temps de planter le verger. Un premier hectare la première année, pour arriver à cinq hectares la dixième année. La ferme sur laquelle on arrivait faisait des céréales et avait des bêtes à viande. Il n’y avait pas d’habitation sur la ferme.
Les deux premières années, comme beaucoup de personnes qui démarrent : on a fait de tout… et rien vendu ! Or une des priorités en démarrant, c’est de chercher un réseau de commercialisation.
On a commencé par vendre sur les marchés : Dinard, St-Aubin d’Aubigné, Dinan, Les Lices après. Lancieux l’été.

Quand avez-vous commencé à travailler avec Scarabée ?

Loïc : En 2003, par l’intermédiaire d’Isabelle Fauger (ancienne salariée), qui travaillait au magasin de St-Grégoire. A l’époque, il y avait trois autres maraîchers qui fournissaient également le magasin, Christian Judon, Jean-Paul Gabillard, et Jean-François Prié. Peu à peu, on planifiait telle ou telle production. Nous, on prenait généralement ce que les autres ne faisaient pas. On est passé exclusivement en arboriculture en 2011. En pommes et en poires.

Comment voyez-vous les réunions de planification aujourd’hui ?

Loïc : Il y a plus de jeux de coudes qu’à l’époque, je trouve, chez les jeunes qui s’installent aujourd’hui.

Comment avez-vous choisi les variétés ?

Loïc : On a d’abord goûté la Topaze. On a beaucoup écouté Jean-Yves (Fillatre, un autre fournisseur de Scarabée, arboriculteur à Macey), c’était notre technicien ! La Dalinette, c’est une variété que j’avais vue chez lui. Les variétés sont aussi choisies pour s’échelonner sur la saison. On a également planté de la Rubinette, mais on a dû l’arracher ; elle était trop sensible à la tavelure. C’est toujours un choix difficile de prendre une autre variété. Il faut qu’elle plaise et se vende bien, mais qu’elle se conserve, et qu’elle soit assez résistante au maladies.

Quels sont vos réseaux de distribution, aujourd’hui, en dehors de Scarabée ?

Loïc : On fournit les écoles, collèges, lycées de Dinan, d’autres Biocoop ou magasins bio, aussi. La cuisine centrale de St-Brieuc ; en restauration collective : on est venu vers nous. On vend un peu moins cher en cuisine collective, on le voit plus comme un combat à mener.

Comment as-tu vu évoluer la bio, au fil de ces années ?

Loïc : Quand je me suis installé, je voyais vraiment la Bretagne ou le pays passer tout en bio. A cette période, en 2000, on parlait de CTE (Contrat Territorial Environnemental). Je croyais vraiment qu’on allait basculer dans un autre modèle agricole.
Or aujourd’hui, on voit toujours arracher des arbres à droite à gauche. Les pesticides sont toujours là.
Clément et Amélie : On est quand même 4 fermes, en bio, dans l’ancien Pays d’Evran : deux maraîchers, un éleveur de cochons, une productrice de camembert…

Et la certification HVE, Haute Valeur Environnementale, qu’en pensez-vous ?

Loïc : Avec ce logo, ils ont réussi à tout flinguer… Certains vont planter 3-4 massifs de fleurs, et vont l’obtenir.
Clément : Si derrière HVE il y a une démarche de baisse d’utilisation de pesticides, on reste sur le modèle d’une agriculture industrielle et intensive. HVE noie le poisson. On paye une cotisation Interfel (tout producteur de fruits et légumes doit payer une cotisation à Interfel, association interprofessionnelle des métiers de la filière fruits et légumes frais). Ce serait bien que cette cotisation serve aussi pour valoriser l’agriculture biologique. Or la FRAB (Fédération Régionale d’Agriculture Biologique) n’en voit pas la couleur.
Loïc : Jusqu’ici, il n’y avait pas besoin d’encouragement politique pour soutenir la bio. Maintenant : si !
Clément : HVE est une arnaque. Si tu mets une ruche sur ta ferme : tu as un point, sur les 3 nécessaires. Cela ne vaut pas grand-chose… Mais dans les appels d’offre, par contre, cela va créer une concurrence déloyale ; en mettant au même niveau de qualité le label bio et le label HVE.

Qu’est-ce que vous avez envie de faire évoluer sur la ferme ?

Amélie : Rajouter quelques variétés ; et garder des espaces pour la biodiversité ; en installant des nichoirs, en gardant des bandes fleuries, des tas de bois… Mais la priorité, d’abord : c’est de vivre de la ferme en proposant des produits de qualité à pas trop cher.
Clément : L’idée est que la ferme soit un lieu d’échanges, aussi. Sur la production, comme sur la biodiversité, à travers l’accueil de stagiaires, par exemple.
Amélie : Et puis on aimerait se développer plus sur Dinan, pour travailler au plus proche. Cet hiver, on a eu du mal à vendre les pommes ; on a dû les transformer en purées, en jus… L’objectif est qu’il y ait moins de « déclassées ».

Quel message aimeriez-vous faire passer aux consommateurs et consommatrices ?

Clément : Pour changer le monde, il faut d’abord le changer dans son assiette. Soutenir l’agriculture bio et paysanne c’est soutenir un modèle sociétal. C’est souvent une agriculture créatrice d’emplois, qui peuvent faire vivre les campagne et partager les richesses. Sur les 5 hectares de ferme, il y a 5 personnes qui en vivent à l’année.
Par ailleurs, en conventionnel, on cherche à ne faire pousser que la culture choisie. Le reste : on l’élimine. En bio, on est dans une recherche de biodiversité, d’équilibre entre parasites et auxiliaires. Même s’il y a les principes, et la réalité.
Amélie : Il faut être curieux, prendre le temps de parler avec des paysans, lire les étiquettes. Se renseigner. Chercher sur internet.
Loïc : Le combat continue !

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