- Entretien paru dans La Feuille • Septembre 2018
Boulanger-voyageur, Frédéric Petit a posé ses valises et construit son atelier-magasin à Saint-Marc-sur-Couesnon. Il est le premier boulanger à s’installer sur cette petite commune de 550 habitants. Il livre chaque mardi le nouveau magasin de la rue de Paris. Parcours…
Bon comme du bon pain
13 Le Pâtis Buret
Saint-Marc-sur-Couesnon
35140 Rives du Couesnon
Quand avez-vous démarré votre activité ?
J’ai commencé le 30 mai 2017.
Comment êtes-vous arrivé au métier de boulanger et au choix du bio ?
J’ai vécu un an aux USA ; j’ai remarqué qu’il y avait une boulangerie à Manhattan qui marchait super bien ; je voulais vivre aux USA, et y devenir boulanger. Après avoir passé mon Bac et une fois sorti de l’armée, j’avais toujours le projet de vivre aux USA ; j’ai fait des stages chez plusieurs professionnels ; j’ai tout de suite aimé le contact avec la pâte, aimé ce travail ; et je suis un oiseau de nuit, j’aime travailler la nuit. Je me suis renseigné pour un apprentissage ; je l’ai réalisé à l’Institut National de la Boulangerie-Pâtisserie, à Rouen. Il propose des sessions sur un an destinées aux Bacheliers, avec 15 jours en entreprise, 15 jours en formation.
Puis j’ai été remarqué par un Meilleur Ouvrier de France, qui a vu que j’étais motivé ; il m’a pris sous son aile et m’a amené à rencontrer tout un réseau de Compagnons du Devoir ; sans faire partie des Compagnons, j’ai pu ainsi aller travailler à Millau, Nice, Nantes, Trégastel ; et beaucoup à Paris ; Paris parce que je suis originaire de Picardie, et aussi pour gagner un maximum d’argent en un minimum de temps pour m’installer. J’ai ainsi travaillé dans une 20aine de boîtes sur Paris ; et, 5 ans après mon apprentissage : je m’y suis installé. Je voulais avoir une expérience du patronat avant de partir ; j’ai été installé 6 ans sur Paris ; cela m’a permis d’être remarqué par le Syndicat de la Boulangerie ; j’ai fait partie des 100 meilleurs boulangers parisiens, j’ai reçu le 6ème meilleur prix de la baguette de Paris en 2005. J’avais une boulangerie avec 8 employés.
Je l’ai ensuite revendue pour travailler dans une autre branche qui m’intéressait.
Le début du projet d’installation ici, c’est en septembre 2015, où j’ai réalisé une étude de marché, un business plan ; c’est un double projet : un projet de maison, de lieu de vie, et un projet pro. Je suis le premier boulanger de Saint-Marc-sur-Couesnon. Cela n’a pas été évident de trouver la maison, d’obtenir le permis de construire pour le fournil… Personne n’y croyait à part moi au départ.
Pourquoi ?
Parce que c’est isolé, parce que, soi-disant, les anciens ne mangent que du pain blanc, n’aiment pas le bio … Or : c’est faux ! J’ai réussi à convaincre le banquier : nous étions deux à y croire, désormais ! Une fois que j’ai eu le feu vert : les travaux, dont j’ai réalisé une bonne partie moi-même, ont duré 9 mois. Il y avait juste une grange, au départ…
Moi j’y croyais ; le comptage routier indiquait un passage de 4000 voitures par 24 heures. à Saint-Marc-sur-Couesnon, à la Chapelle Aubert : il n’y avait pas de boulangerie. De toute façon, j’étais tellement déterminé que je serais allé faire des livraisons et les marchés, si besoin.
Pourquoi le choix du bio ?
Je suis passionné par mon métier. Je voulais retravailler au four à bois, à la main, au levain ; donc, autant le faire de la manière la plus authentique possible, c’est-à-dire en bio. Faire du conventionnel au four à bois… ça n’a pas de sens. Dans les farines non bio, il y a les engrais utilisés sur les céréales, mais aussi les additifs ajoutés aux farines ; par exemple pour que le pain tienne bien en chambre froide tout un weekend.
Quels sont vos fournisseurs ? Sont-ils locaux ?
Oui, je choisis un maximum de matières premières en local, même si je n’ai pas besoin de beaucoup d’ingrédients, car en plus de la boulangerie, je ne propose que de la pâtisserie boulangère (ndrl : les viennoiseries, principalement). Les œufs viennent de chez Sonia Prieur, à Vendel ; les farines du Moulin du Château, à Ernée et du Moulin Suire, dans le 44. La mélasse et les fruits rouges de Biolune, la Biocoop de Fougères.
Cela implique quoi de travailler avec un four à bois ?
C’est particulier, c’est très physique, il faut se lever plus tôt ; cela varie avec le temps qu’il fait, le sens du vent, la valeur calorifique du bois. Moi par exemple, je travaille principalement avec du Hêtre. En comparaison, en boulangerie « traditionnelle » , le four s’allume tout seul. Là, il faut être présent 2h plus tôt, pour la première chauffe. Mais cela évite de tomber dans la routine !
Vous êtes combien dans votre équipe ?
Nous sommes 3 ; au démarrage, j’étais seul à la production, et un couple m’a aidé à m’installer ; elle vendait sur les marchés, lui à la boutique. Il était dès le début prévu qu’ils s’en aillent ensuite. Actuellement, Erwan est à temps plein ; sur la prod’, avec moi, et sur la vente. Et une nouvelle vendeuse vient de nous rejoindre, elle s’occupe des marchés.
Au-delà des marchés, quels sont vos circuits de distribution ?
Bio Lune, la Biocoop de Fougères, Scarabée, l’épicerie « Saveurs Locales » à Mézières-sur-Couesnon, et les paniers « Carotte et Feijoa » .
Comment voulez-vous développer l’activité ?
J’ai envie qu’on puisse réaliser plus de livraisons ; j’ai déjà un projet d’agrandissement, pour la production et le magasin ; le but étant d’embaucher, aussi. Mais je n’ai pas envie de devenir trop gros, car plus on grossit, plus on perd en qualité. Il y a aussi l’idée de travailler avec les collectivités, les écoles…
Comment l’histoire a démarré avec Scarabée ?
Un salarié de Scarabée, qui habite pas loin, a parlé de moi. C’est comme ça que ça a commencé… Et à Biolune aussi, ils nous ont contactés, suite au départ de l’un de leurs boulangers. On est venu vers nous : pas mal pour une boulangerie « isolée » …
« Bon comme du bon pain » livre le magasin de la rue de Paris chaque mardi. Il propose une gamme d’une 10aine de pains, dont une majorité de pains spéciaux (noix-noisette, tourte aux allouettes, Norvégien aux fruits, grand épeautre…) ainsi que des viennoiseries.