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On va semer

La rentrée, c’est aussi la saison des jardiniers. L’occasion de vous rallier à un acte hautement militant, le seul qui peut concrètement sauver la biodiversité : semer. Et récolter vos graines. Rencontre avec Juan, référent jardinage et animateur de la granothèque, pour qui la révolution commence dans nos potagers et sur nos balcons.

Le 18 juin dernier, France 2 diffusait l’émission Cash Investigation intitulée « Multinationales : hold-up sur nos fruits et légumes » (disponible en replay). Elle soulignait, entre autres, qu’ « une poignée de géants mondiaux détiennent les semences, comme l’Allemand Bayer ou le Français Limagrain. »

« Après la diffusion, tout le monde est venu acheter des graines Kokopelli », sourit Juan, référent jardinage à Biocoop Scarabée et animateur de la granothèque. A tel point que le site de l’association, mentionnée dans le reportage comme un des rares distributeurs de semences bio libres de droits et reproductibles, a buggué, sous l’affluence des visiteurs…

Catalogue officiel

Légalement, une entreprise qui veut vendre une semence doit l’inscrire au Catalogue Officiel des Espèces et Variétés de Plantes Cultivées en France. Avec l’industrialisation de l’agriculture, les paysans ont peu à peu abandonné cette pratique ancestrale qui garantissait leur autonomie et la préservation de la biodiversité : récolter leurs semences. Les réutiliser. Sans avoir à les acheter. Aujourd’hui : 75% des plantes cultivées ont disparu. Les 2/3 des semences vendues dans le monde appartiennent à 4 multinationales : Bayer Monsanto ; Dow Dupont ; Syngenta ; et Limagrain. La plupart des semences répertoriées sont des semences hybrides, donc non reproductibles, destinées à être rachetées chaque année.

Appropriation du Vivant

Etre répertorié au catalogue officiel a un coût. Qui explique qu’on y retrouve les gros semenciers qui en ont les moyens financiers, et pas des associations de défense de la biodiversité. Ce coût nivelle aussi par le bas la représentation, dans ce répertoire, de la biodiversité qui subsiste encore, puisqu’il faut « payer » pour qu’une variété existe et soit commercialisée. Et, enfin, cela pose clairement la question de l’appropriation du Vivant, sa privatisation, contre laquelle de nombreux acteurs de l’agrobiologie s’opposent farouchement.

Semences paysannes

Biocoop Scarabée a fait le choix de distribuer exclusivement des semences paysannes non-hybrides dans ces rayons jardinage, qui sont commercialisées par deux fournisseurs : le GIE Biau Germe, et l’association Kokopelli. Cependant, « ce n’est pas le geste d’acheter qui va sauver la biodiversité », insiste Juan, « c’est celui de garder la graine, pour la semer à nouveau ». « On a perdu ce geste fondamental de garder ses graines. Comme celui de faire des boutures, ce qui est pourtant hyper simple. Cette perte participe à l’effondrement de la biodiversité. »

Alors on fait quoi ?

Acheter des semences libres de droit et non-hybrides, c’est un bon début ! Récolter ses graines, c’est la deuxième marche, les plus simples à récolter étant les graines de tomates et d’aromates. « Gardez la plus belle tomate récoltée ; la couper ; déposer jus et graines sur un papier essui-tout non chloré, et faire sécher ses graines sur ce papier, à l’abri de la lumière, dans un contenant hermétique ». Et pour qu’une graine qui vient d’Allemagne ou d’Amérique du sud s’adapte physiologiquement à un nouveau terroir, il faut la replanter au moins 4 fois. « Ce n’est pas compliqué, ce n’est pas non plus une histoire de moyens financiers, mais on est en train de s’endormir à ce niveau. Quelqu’un qui voudrait apprendre : il peut venir à la granothèque pour des conseils ».
Et pour boucler la boucle, au bout de 5 ans : on récolte à nouveau ses graines, et on en dépose une partie à la granothèque de Biocoop Scarabée !

Juan, référent jardinage et animateur de la granothèque-bibliothèque de Biocoop Scarabée Papu.
La granothèque, lieu de résistance ?

La granothèque de Biocoop Scarabée a pu démarrer grâce a un don spontané de Kokopelli. Un de ses buts est de favoriser l’échange de graines. Mais elle se donne également pour mission de créer une banque de graines locales, accessibles à tous. Où pour chaque graine sont précisés la variété, le lieu et l’année où elle a été récoltée. Ce stock est mis à disposition dans une logique d’échange : les adhérents donnent et viennent chercher des graines. Ils doivent signer une charte, un engagement moral assurant que les graines données sont non-hybrides, cultivées sans engrais ni pesticides chimiques de synthèse. Une participation annuelle de 10 euros est demandée.

Et en ville alors ?

En ville, tout est possible aussi ! Dans des jardinières, sur son balcon, ou dans des espaces collectifs. « On est en train de révolutionner la façon de jardiner. Là où il y a du chômage, dans des villes comme Détroit aux états Unis : les habitants créent des potagers pour manger. Ils sont confrontés à des sols pollués, et dépolluer coûte cher. Mais on peut aussi dépolluer avec des variétés de plantes dépolluantes ! ».
La révolution verte est en marche…

Bibliothèque et Granothèque de Biocoop Scarabée 18 rue Papu, ouverte le lundi de 14h à 18h, le mercredi de 14h à 18h, et le vendredi de 15h30 à 19h30. Pour consulter les catalogues des graines et livres disponibles : www.scarabee-biocoop.fr, rubrique « Bibliothèque et granothèque ».

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